Miroir, joli miroir, dis moi que je suis la plus belle.
Narcisse n'est pas en reste, subjugué par son image.
Image, mirage.
Instantané, déclic insaisissable.
Le temps passe et ne s'arrête jamais.
Le miroir nous crée, le miroir nous détruit.
Il nous fait prendre conscience de notre existence,
Sans lui pas d’image de soi, pas de consistance.
Pas de corps, pas d'esprit.
Il nous fait prendre conscience de notre mort.
Le miroir nous dit, tu vieillis.
Maudit miroir.
Troublant miroir.
Miroir, je te haime.
Miroir, joli miroir... Interrogation sans fin.
Sans autre réponse que mensonge.
Le miroir me dit, en m'interrogeant ainsi tu te mens à toi-même.
Pourtant, tu ne peux te passer de moi.
Car sans moi tu n'es(nais) pas.
Infidèle miroir, cruel miroir.
Tu ne reflètes jamais l’image de moi que je désire.
Tu es un joueur impitoyable.
Tu ne me laisses aucune chance.
Et tu ris à me voir ainsi me consulter dans ton reflet.
Et tu réponds à ma question : devines !
La force du miroir
J'étais, indigne, un jour, en la chambre au lit blanc
Où Linda dans la glace admirait sa figure
Et j'emportai, grâce au miroir, en m'en allant,
La première raison de devenir parjure.
Linda fut non pareille avant, mais aujourd'hui
Je sais bien qu'elle est double au moins, grâce à la glace ;
Mon cœur par la raison où son amour l'induit
Est parjure à présent pour la seconde face.
Or, depuis ce jour-là, j'ai souvent comparé
Dans la chambre où la glace accepte un pur mirage,
La face de Linda, le visage miré,
Mais mon cœur pour élire a manqué de courage.
Si, parjure toujours, pour choisir j'ai douté,
Ce n'est pas qu'au miroir la dame soit plus belle ;
Je l'adore pourtant d'être en réalité
Et parce qu'elle meurt quand veut sa sœur formelle.
J'adore de Linda ce spécieux reflet
Qui la simule toute et presque fabuleuse,
Mais vivante vraiment, moderne comme elle est :
La dame du miroir est si miraculeuse !
Et la glace où se fige un réel mouvement
Reste froide malgré son détestable ouvrage.
La force du miroir trompa plus d'un amant
Qui crut aimer sa belle et n'aima qu'un mirage.
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
Rédigé par : chrysalide | 31/03/2005 à 22:36
Je suis en ce moment en plein dedans... en pleins dans les miroirs et les images...
J'espère en finir bientôt ou néaumoins un jour...
Rédigé par : Tatiana | 01/04/2005 à 14:08
Le stade du miroir est-il strictement féminin ?
Rédigé par : chrysalide | 07/04/2005 à 22:02